Rojava • “Chère camarade Ceren Güneş…”
Comment commencer cette lettre ? Comment puis-je exprimer avec des mots tout l’amour et la rage que j’ai en moi ? Alors que je me trouve toujours dans les profondeurs de la résistance, de la défense du Rojava, dans les profondeurs, des pensées et souhaits de liberté de tant de camarades, comme toi, tu l’as été. Tu es née en Turquie, tu devenue rapidement une militante révolutionnaire, tu portais en toi l’amour de tes camarades, et les plus belles perspectives en tant que de femme combattante révolutionnaire. Ta conviction t’a conduite à lutter dans toutes les zones menacées de persécution, jusqu’à la lutte armée pour la défense de toutes en Kurdistan.
Ceci n’est pas une “lettre d’adieu”. Tout ce que j’ai appris à tes côtés est une raison pour que je me souvienne de toi et que je me rappelle pourquoi nous nous sommes rencontrées, nos chemins se sont croisés. Nous sommes arrivées au Rojava à des dates très différentes, mais en partageant la décision de lutter, de construire et de défendre un nouvel avenir. Construire des liens solides entre camarades, affronter le fascisme, soutenir chaque femme et jeune fille qui grandit opprimée, lutter pour la liberté de chaque sœur et camarade enfermée dans les prisons, choisir de marcher aux côtés des personnes opprimées et d’une vie collective. Mais oui… tu me manques.
Dès le début, j’ai pu voir ta force et ta lumière. Combattante et déterminée, pleine de valeur et de compréhension, accomplissant le sens du don de ta vie pour la lutte contre le fascisme et le capitalisme. J’ai eu la chance de partager à tes côtés des moments intenses de notre vie quotidienne, les conversations au clair de lune avec du thé chaud et des chants révolutionnaires, des moments de résistance. Ici, dans les villages et les villes du Rojava, l’invasion des troupes fascistes turques et des bandes djihadistes continue, et de la même manière que tu participais à la défense de ces terres, tes camarades continuent d’avancer, car nous savons que c’est aussi ce que tu aimerais faire. Nous savons que notre lutte rend nos camarades tombés au combat sont toujours vivants et nous rappelle les raisons pour lesquelles nous défendons les idées révolutionnaires, rendant encore plus grandes les valeurs que nous construisons ensemble.
J’aurai toujours à l’esprit tes initiatives pour construire la solidarité entre camarades, pour connaître la lutte des différents mouvements féministes dans tous les coins de ce monde, pour rendre visible chaque révolte, pour faire de l’Internationalisme l’image la plus vivante en défense de l’autonomie des organisations féminines. J’ai vu en toi toute la valeur que tu as donnée aux camarades avec lesquelles tu as appris à lutter et à vivre en communauté. Pour moi, tu es une grande inspiration de courage et de bravoure. J’espère pouvoir continuer sur tes traces, sur le chemin de ta marche, car ton effort s’inscrit déjà dans notre histoire. Cette histoire que nous construisons nous-mêmes, convaincuEs que se battre pour la vie est la seule façon. Avec la décision claire que nous devons nous-mêmes nous élever haut et fort dans cette guerre.
Camarade Ceren, chaque fois que je me souviens de toi, je souris, parce que je sais que dans ton cœur révolutionnaire est gravée l’histoire de toutes les femmes qui se battent en suivant tes pas. Ta décision et ton engagement inspireront dans le monde entier à se lever et à se joindre à la lutte contre l’oppression, et aideront à garder la mémoire de toutes les femmes qui ont décidé comme toi, de donner leur vie pour construire une résistance contre le fascisme d’Erdogan, contre le silence de l’Europe et la complicité de la Russie et des USA.
Je t’écris depuis les villages de la ligne de défense de Til Temir. Les mêmes villes qui vous ont vu combattre, les mêmes qui sont brutalement attaquées par les soldats turcs et les groupes djihadistes. Ils peuvent utiliser toutes les armes de guerre qu’ils veulent, mais ils ne peuvent pas mettre fin à la résistance du peuple du Rojava, ils ne peuvent pas mettre fin aux souvenirs de toutes ces années de révolution et de rêves devenus réalité. Les racines de cette terre font déjà partie de l’exemple de la dignité que les mères, les filles, les grands-mères, les combattantEs, les cuisiniers, les médecins, les infirmières… sont en train de construire.
En t’écrivant, je me souviens des camarades internationalistes qui sont venuEs et ont combattu avec la plus grande conviction, du plus profond amour, pour la défense de ce territoire et des idées qui y vivent. Ils ont choisi de répandre les idées révolutionnaires dans le monde, devenant une grande inspiration pour tous ceux qui, comme moi, ont décidé de venir, d’apprendre, de voir de nos propres yeux et de participer de nos propres mains à l’immense travail que les camarades femmes ont développé au Kurdistan. Sehid Aynur Ada, sehid Ivanna Hofman, sehid Anna Campbell, Sehid Legerin Çiya, sehid Sara Dorşin, sehid Andrea Wolf, sehid Ceren Güneş. Je me souviens de vous et je réaffirme la conviction que les femmes sont le moteur de la défense de cette la vie.
D’autres jours de résistance sont encore à venir, et nous prendrons soin les unEs des autres, nous nous battrons ensemble pour celles et ceux qui sont tombéEs et pour celles et ceux qui vont nous rejoindre. A tous les camarades internationalistes qui se trouvent en train de combattre et de défendre le territoire du Rojava, à tous les camarades qui, bien qu’éloignéEs les unEs des autres, partagent les mêmes pas et les mêmes décisions, pour vous tous, je continue à me convaincre chaque jour que notre lutte est la lutte pour la vie, et que bien que notre ennemi soit puissant, nous avons les armes les plus précieuses et les plus fortes, l’unité et le soutien collectif.
Pour la Terre et les camarades qui sont tombéEs martyrs dans cette guerre historique contre la puissance. Camarade Sehid Ceren Güneş, tes paroles de liberté sont plus vivantes et plus présentes que jamais pour moi. Je t’emmènerai avec moi dans mes pensées et dans mon cœur, en faisant de nos jours le meilleur hommage, pour continuer et ne pas abandonner. Si je m’arrête un instant, je t’entends encore chanter des chants révolutionnaires en langue turque, dans la cuisine, préparer le thé pour les camarades, et nous faire asseoir tous ensemble et partager de longs moments de conversation. Si je m’arrête un instant, je me souviens de ces nuits où, à côté d’autres camarades, nous avons discuté de la manière de continuer à lutter ensemble lorsque nos chemins se sépareront.
Et je continue à sourire, parce que notre chemin reste le même et ta mémoire m’apprend la valeur de tous les moments que nous partageons ensemble. Jusqu’au dernier coin de ce monde, jusqu’à ce que nous soyons toutes et tous libres, nous ne nous arrêterons pas ! Nos pas et nos idées révolutionnaires nous retiennent ensemble, n’importe où. Une des camarades internationalistes que tu connaissais aussi, m’a dit un jour, que le travail pour la libération des femmes qui se fait ici est si fort, que même avec des difficultés nous avançons tous ensemble, que cet amour nous rend “infiniEs”. Je n’ai pas de meilleure façon de te décrire… Camarade Ceren, nous sommes “infinies” !
La terre où tu reposes remplit de sens l’infatigable résistance des combattantEs, la terre du Rojava se souviendra de toi, avec chaque nouvelle-nouveau camarade qui rejoindra la révolution. Et moi, je te porte dans mon coeur, chère sœur. Parce que celles et ceux qui se battent ne meurent jamais. Et rien ne peut changer ce fait, ni les armées fascistes, ni le capitalisme le plus extrême. Hasta siempre, et tu es toujours avec nous !
Sehid Namirin. Résister, c’est vivre, dans tous les coins du monde…
De la part d’une de tes camarades internationalistes. Toujours à tes côtés.